La compagnie

TRACTION (en) AVANT VERS LES QUARANTE ANS

Traction Avant Compagnie est née d’une marche, un mouvement, une aspiration politique à faire émerger des paroles, des corps, des visages qui peinaient à trouver leur place au sein de la république française. En 1983 j’avais 10 ans et je faisais mes débuts au théâtre, dans une comédie musicale – déjà – qui mettait en scène les Misérables de Victor Hugo. Alors quand j’ai croisé le camarade Ladj Ly lors de festivals de courts métrages dans lequel il faisait déjà le parallèle entre les Misérables du 19ème et ceux du 21ème siècle dans sa bonne cité de Montfermeil, forcément on avait quelques trucs à échanger… Nos Misérables à nous se sont créés à la Maison du Peuple, devenu théâtre de Vénissieux – déjà –. Et moi, je rêvais tout haut en côtoyant mes aînés danseurs à Traction Avant, quand nous les petits, nous dansions, je me souviens, à la fête de l’Huma avec pour seule rémunération des glaces… avec beaucoup de chantilly. Personne ne nous demandait si nous étions des professionnels, nous n’avions jamais entendu parlé du statut d’intermittent du spectacle. Et pourtant dans ces années, pour moi de créativités sans borne, je me suis révélé artiste et citoyen.

Alors quand il y a quelques mois, Marc Bernard m’a proposé de reprendre la direction artistique de Traction Avant Compagnie, j’ai repensé au petit Gavroche que j’étais et je me suis mis de nouveau à rêver de glaces et de chantilly. Pour moi Traction Avant, c’est cette formidable aspiration à tirer vers le haut des singularités qui vivent dans les quartiers – comment dit-on déjà ? – politique de la ville. C’est l’émergence du mouvement hip-hop évidemment et c’est du théâtre dès le début.

Aujourd’hui est-il plus facile à Cosette de s’émanciper, est-il fréquent d’entendre un Gavroche pousser sa chansonnette au devant des nombreuses barricades idéologiques ? Je ne sais pas, pour ma part, ce que nous trouvons dans les sillons de la République en 2021 ; mais je sais que Traction Avant Compagnie n’a pas à rougir de ce qu’elle y a semé, pas à pas, toujours en marche (Brigitte). D’abord avec Marcel Notargiacomo puis avec Marc Bernard. Les esthétiques se renouvellent, les techniques évoluent, le fond reste.

Aujourd’hui – signe des temps sans doute et un peu de ma personnalité – l’enjeu pour la compagnie s’est élargi à d’autres médias. Elle n’œuvre plus seulement pour le plateau de théâtre mais également pour l’écran et sur la toile. Mais au juste, qu’allons nous créer ? Des œuvres de fictions chevillées à l’âpre saveur du réel ! Avec qui ? Des artistes fussent-ils amateurs ou professionnels ! Avec quoi ? De l’art dramatique, du chant, de la danse et beaucoup de chantilly ! Sous quelle forme ? De la comédie musicale, quoi d’autre ? Pour qui ? Pour toi, pour moi, dans une exigence renouvelée d’accessibilité au plus grand nombre sans rien renier de la qualité ! Toujours viser le beau en nous inspirant du courage des oiseaux.

Slimane Bounia, metteur en scène